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hier à Boucher, et dont elle comptait se servir pour elle-même, si elle n’avait point été malade. Pauvre Septimanie !

La comtesse tressaillit et regarda le duc plus fixement encore ; mais le duc restait souriant et impénétrable.

— Mais pardon, comtesse, je vous ai interrompue ; vous parliez de pièges ?…

— Oui, après m’avoir volé mon coiffeur, on m’a soustrait ma robe, une robe charmante.

— Oh ! voilà qui est odieux : mais de fait, vous pouviez vous passer de celle qu’on vous a soustraite ; car je vous vois habillée d’une étoffe miraculeuse… c’est de la soie de Chine, n’est-ce pas, avec des fleurs appliquées ? Eh bien ! si vous vous fussiez adressée à moi dans votre embarras, comme il faut le faire à l’avenir, je vous eusse envoyé la robe que ma fille avait fait faire pour sa présentation, et qui était tellement pareille à celle-ci, que je jurerais que c’est la même.

Madame du Barry saisit les deux mains du duc, car elle commençait à comprendre quel était l’enchanteur qui l’avait tirée d’embarras.

— Savez-vous dans quelle voiture je suis venue, duc ? lui dit-elle.

— Non ; dans la vôtre, probablement.

— Duc, on m’avait enlevé ma voiture, comme ma robe, comme mon coiffeur.

— Mais c’était donc un guet-apens général ? Dans quelle voiture êtes-vous donc venue ?

— Dites-moi d’abord comment est la voiture de madame d’Egmont ?

— Ma foi, je crois que, dans la prévision de cette soirée, elle s’était commandé une voiture doublée de satin blanc. Mais on n’a pas eu le temps d’y peindre ses armes.

— Oui, n’est-ce pas, une rose est bien plus vite faite qu’un écusson. Les Richelieu et les d’Egmont ont des armes fort compliquées. Tenez, duc, vous êtes un homme adorable.

Et elle lui tendit ses deux mains, dont le vieux courtisan se fit un masque tiède et parfumé.