tranquille ; tenez, il ne peut demeurer en place, il ne perd pas de vue le roi. Voyons, ils ont tramé quelque chose ? Avouez-moi cela.
— Je ne sais rien, duc, mais je suis de votre avis.
— Où cela les mènera-t-il ?
— À un retard, cher duc, et vous savez le proverbe : « A tout gagné qui gagne du temps. » Demain, un événement imprévu peut arriver, qui retarde indéfiniment cette présentation. La dauphine arrive peut-être demain à Compiègne, au lieu d’arriver dans quatre jours. On aura voulu gagner demain, peut-être.
— Maréchale, savez-vous que votre petit conte m’a tout l’air d’une réalité. Elle n’arrive pas, sang bleu !
— Et voilà le roi qui s’impatiente, regardez.
— C’est la troisième fois qu’il s’approche de la fenêtre.
— Le roi souffre réellement.
— Alors ce sera bien pis tout à l’heure.
— Comment cela ?
— Écoutez. Il est dix heures vingt minutes.
— Oui.
— Je puis vous dire cela maintenant.
— Eh bien ?
La maréchale regarda autour d’elle ; puis à voix basse :
— Eh bien ! elle ne viendra pas.
— Ah ! mon Dieu, maréchale ! mais ce sera un scandale abominable.
— Matière à procès, duc, à procès criminel… capital… car il y aura dans tout cela, je le sais de bon lieu, enlèvement, violence, lèse-majesté même si l’on veut. Les Choiseul ont joué le tout pour le tout.
— C’est bien imprudent à eux.
— Que voulez-vous, la passion les aveugle.
— Voilà l’avantage de ne pas être passionné, d’être comme nous, maréchale ; on y voit clair au moins.
— Tenez, voilà le roi qui s’approche encore une fois de la fenêtre.
En effet, Louis XV, assombri, anxieux, irrité, s’approcha