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sa misère et sa faim à l’aspect de tant d’éblouissements, le peuple garnissait toute la place d’Armes et toute l’avenue de Paris. Le château lançait le feu par toutes ses fenêtres, et ses girandoles ressemblaient de loin à des astres nageant dans une poussière d’or.

Le roi sortit de ses appartements à dix heures précises. Il était paré plus que de coutume, c’est-à-dire que ses dentelles étaient plus riches, et que les boucles seules de ses jarretières et de ses souliers valaient un million.

Il avait été instruit par M. de Sartines de la conspiration tramée la veille entre les dames jalouses ; aussi son front était-il soucieux ; il tremblait de ne voir que des hommes dans la galerie.

Mais il fut bientôt rassuré quand, dans le salon de la reine, destiné spécialement aux présentations, il vit dans un nuage de dentelles et de poudre où fourmillaient les diamants, d’abord ses trois filles, puis la maréchale de Mirepoix, qui avait fait tant de bruit la veille ; enfin toutes les turbulentes qui avaient juré de rester chez elles, et qui se trouvaient là au premier rang.

M. le duc de Richelieu courait comme un général de l’une à l’autre, et leur disait :

— Ah ! je vous y prends, perfide !

Ou bien :

— Que j’étais certain de votre défection !

Ou bien encore :

— Que vous disais-je à propos des conjurations ?

— Mais vous-même, duc ? répondaient les dames.

— Moi, je représentais ma fille, je représentais la comtesse d’Egmont. Cherchez, Septimanie n’y est point ; elle seule a tenu bon avec madame de Grammont et madame de Guéménée ; aussi je suis sûr de mon affaire. Demain, j’entre dans mon cinquième exil ou ma quatrième Bastille. Décidément, je ne conspire plus.

Le roi parut. Il se fit un grand silence au milieu duquel on entendit sonner dix heures, l’heure solennelle. Sa Majesté était entourée d’une cour nombreuse. Il y avait près d’elle