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ou pour le poète qui, du grand balcon, regardera les horizons éternels après avoir regardé les splendeurs éphémères.

Mais c’était surtout dans sa vie et dans sa gloire que Versailles était splendide à voir. Quand un peuple sans armes, contenu par un peuple de soldats brillants, battait de ses flots les grilles dorées ; quand les carrosses de velours, de soie et de satin, aux fières armoiries, roulaient sur le pavé sonore, au galop de leurs chevaux fringants ; quand toutes les fenêtres, illuminées comme celles d’un palais enchanté, laissaient voir un monde resplendissant de diamants, de rubis, de saphirs, que le geste d’un seul homme courbait comme fait le vent d’épis d’or entremêlés de blanches marguerites, de coquelicots de pourpre et de bluets d’azur ; oui, Versailles était beau, surtout quand il lançait par toutes ses portes des courriers à toutes les puissances, et quand les rois, les princes, les seigneurs, les officiers, les savants du monde civilisé foulaient ses riches tapis et ses mosaïques précieuses.

Mais c’était surtout lorsqu’il se parait pour une grande cérémonie, quand les somptuosités du garde-meuble et les grandes illuminations doublaient la magie de ses richesses, que Versailles avait de quoi fournir aux esprits les plus froids une idée de tous les prodiges que peuvent enfanter l’imagination et la puissance humaine.

Telle était la cérémonie de réception d’un ambassadeur, telle aussi, pour les simples gentilshommes, la cérémonie de la présentation. Louis XIV, créateur de l’étiquette, qui renfermait chacun dans un espace infranchissable, avait voulu que l’initiation aux splendeurs de sa vie royale frappât les élus d’une telle vénération, que jamais ils ne considérassent le palais du roi que comme un temple dans lequel ils avaient le droit de venir adorer le Dieu couronné à une place plus ou moins près de l’autel.

Ainsi, Versailles, déjà dégénéré sans doute, mais resplendissant encore, avait ouvert toutes ses portes, allumé tous ses flambeaux, mis à jour toutes ses magnificences pour la présentation de madame du Barry. Le peuple des curieux, peuple affamé, peuple misérable, mais qui oubliait, chose étrange !