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— M. de Choiseul est comme moi : il subira une disgrâce, mais ne souffrira pas un affront.

— Ce ne sera ni vous, duc, ni vous, duchesse, ni M. de Choiseul, qu’on exilera, dit la maréchale de Mirepoix ; ce sera moi. Le roi ne pourra me pardonner d’être moins obligeante pour la comtesse que je ne l’étais pour la marquise.

— C’est vrai, dit le duc, vous, qu’on a toujours appelée la favorite de la favorite, pauvre maréchale ! on nous exilera ensemble !

— On nous exilera toutes, dit madame de Guéménée en se levant ; car j’espère bien que nulle de nous ne reviendra sur la détermination prise.

— Et sur la promesse jurée, dit le duc.

— Oh ! et puis, dit madame de Grammont, à tout hasard, je me mettrai en mesure, moi !

— Vous ? dit le duc.

— Oui. Pour être demain à Versailles à dix heures, il lui faut trois choses.

— Lesquelles ?

— Un coiffeur, une robe, un carrosse.

— Sans doute.

— Eh bien ?

— Eh bien ! elle ne sera pas à Versailles à dix heures ; le roi s’impatientera ; le roi congédiera, et la présentation sera remise aux calendes grecques, vu l’arrivée de madame la dauphine.

Un hourra d’applaudissements et de bravos accueillit ce nouvel épisode de la conjuration ; mais, tout en applaudissant plus haut que les autres, M. de Richelieu et madame de Mirepoix échangèrent un coup d’œil.

Les deux vieux courtisans s’étaient rencontrés dans l’intelligence d’une même pensée.

À onze heures, tous les conjurés s’envolaient sur la route de Versailles et de Saint-Germain, éclairés par une admirable lune.

Seulement, M. de Richelieu avait pris le cheval de son piqueur, et tandis que son carrosse, stores fermés, courait ostensiblement