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ce soir, et serais capable de faire une maladie dangereuse si Tronchin ne me saignait pas demain.

— Et moi, dit majestueusement la maréchale de Mirepoix, je ne vais pas à Versailles, parce que je n’y vais pas : voilà ma raison, le libre arbitre !

— Bien, bien, dit Richelieu, tout cela est plein de logique, mais il faut jurer.

— Comment ! il faut jurer ?

— Oui, l’on jure toujours dans les conjurations ; depuis la conspiration de Catilina jusqu’à celle de Cellamare, dont j’avais l’honneur de faire partie, on a toujours juré ; elles n’en ont pas mieux tourné, c’est vrai, mais respect à l’habitude. Jurons donc ! c’est très solennel, vous allez voir.

Il étendit la main au milieu du groupe de femmes, et dit majestueusement :

— Je le jure.

Toutes les femmes répétèrent le serment, à l’exception de Mesdames, qui s’étaient éclipsées.

— Maintenant c’est fini, dit le duc ; quand une fois on a fait serment dans les conjurations, on ne fait plus rien.

— Oh ! quelle fureur, quand elle se trouvera seule au salon, s’écria madame de Grammont.

— Hum ! le roi nous exilera bien un peu, dit Richelieu.

— Eh ! duc, s’écria madame de Guéménée, que deviendra la cour, si l’on nous exile ?

— N’attend-on pas Sa Majesté danoise ? que lui montrera-t-on ? N’attend-on pas Son Altesse la dauphine ? à qui la montrera-t-on ?

— Et puis, on n’exile pas toute une cour ; on choisit.

— Je sais bien que l’on choisit, dit Richelieu, et même je suis chanceux, moi, l’on me choisit toujours ; on m’a déjà choisi quatre fois, car, de bon compte, j’en suis à ma cinquième conspiration, mesdames.

— Bon ! ne croyez pas cela, duc, dit madame de Grammont ; ce sera moi que l’on sacrifiera.

— Ou M. de Choiseul, ajouta le maréchal ; prenez garde, duchesse !