Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 2.djvu/120

Cette page n’a pas encore été corrigée

le maréchal faisant semblant de chercher quelle était la personne dont il pouvait être question.

— Ma foi, l’on ne m’a pas dit le nom.

— Quel malheur ! dit le maréchal.

— Mais j’ai deviné ; faites comme moi.

— Si les dames présentées étaient courageuses et fidèles aux principes d’honneur de la vieille noblesse de France, dit madame de Guéménée avec amertume, elles iraient toutes s’inscrire chez la provinciale qui a eu l’idée sublime de se casser la jambe.

— Ah ! ma foi oui, dit Richelieu, voilà une idée. Mais il faudrait savoir comment s’appelle cette excellente dame qui nous sauve d’un si grand danger ; car nous n’avons plus rien à craindre, n’est-ce pas, chère duchesse ?

— Oh ! plus rien, je vous en réponds ; elle est sur son lit, la jambe empaquetée et incapable de faire un seul pas.

— Mais, dit madame de Guéménée, si cette femme allait trouver une autre marraine ?… elle est fort remuante.

— Oh ! il n’y a rien à craindre ; cela ne se trouve pas comme cela, les marraines.

— Peste ! je le crois bien, dit le maréchal en grignotant une de ces pastilles merveilleuses auxquelles il devait, prétendait-on, son éternelle jeunesse.

En ce moment, le roi fit un mouvement pour se rapprocher. Chacun se tut.

Alors la voix du roi, si claire et si connue, retentit dans le salon :

— Adieu, mesdames ; bonsoir, messieurs.

Chacun se leva aussitôt, et il se fit un grand mouvement dans la galerie.

Le roi fit quelques pas vers la porte ; puis se retournant au moment de sortir :

— À propos, dit-il, il y aura demain présentation à Versailles.

Ces paroles tombèrent comme la foudre sur l’assemblée.

Le roi promena son regard sur le groupe de femmes qui pâlissaient en s’entre-regardant.