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— Je veux, dit la comtesse, être présentée à Versailles par vous, madame, dût-il m’en coûter une heure des horribles souffrances que vous avez subies ce matin.

Madame de Béarn écouta sans sourciller.

— Et puis ? dit-elle.

— C’est tout, madame ; maintenant à votre tour.

— Je voudrais, dit madame de Béarn, avec une fermeté qui prouva nettement à la comtesse qu’on traitait avec elle de puissance à puissance, je voudrais les deux cent mille livres de mon procès garanties.

— Mais si vous gagnez votre procès, cela fera quatre cent mille livres, ce me semble.

— Non, car je regarde comme à moi les deux cent mille livres que me disputent les Saluces. Les deux cent mille autres sont une bonne fortune à ajouter à l’honneur que j’ai eu de faire votre connaissance.

— Vous aurez ces deux cent mille livres, madame. Après ?

— J’ai un fils que j’aime tendrement, madame. L’épée a toujours été bien portée dans notre maison ; mais, nés pour commander, vous devez comprendre que nous faisons de médiocres soldats. Il me faut une compagnie sur-le-champ pour mon fils, avec un brevet de colonel pour l’année prochaine.

— Qui fera les frais du régiment, madame ?

— Le roi. Vous comprenez que si je dépense à ce régiment les deux cent mille livres de mon bénéfice, je serai aussi pauvre demain que je le suis aujourd’hui.

— De bon compte, cela fait six cent mille livres.

— Quatre cent mille, en supposant que le régiment en vaille deux cents ; ce qui est l’estimer bien haut.

— Soit ; vous serez satisfaite en ceci.

— J’ai encore à demander au roi la restitution de ma vigne de Touraine ; ce sont quatre bons arpents que les ingénieurs du roi m’ont pris, il y a onze ans, pour le canal.

— On vous l’a payée.

— Oui, mais à dire d’expert ; et je l’estimerai, moi, juste le double du prix qu’ils l’ont estimée.

— Bien ! on vous la payera une seconde fois. Est-ce tout ?