ses tyrans, — on l’aimait. C’est que sa vertu n’était point farouche ; bien que l’on n’eût jamais parlé hautement d’elle, on se rappelait qu’elle avait un cœur. Et chaque jour elle le témoignait par des bienfaits, tandis que les autres ne le montraient que par le scandale.
Louis XV craignait sa fille, par la seule raison qu’il l’estimait. Quelquefois même il en était fier ; aussi était-ce la seule de ses enfants qu’il ménageât dans ses railleries piquantes ou dans ses familiarités triviales ; et tandis qu’il appelait ses trois autres filles, — Adélaïde, Victoire et Sophie, ― Loque, Chiffe et Graille, il appelait Louise de France Madame.
Depuis que le maréchal de Saxe avait emporté au tombeau l’âme des Turenne et des Condé, Marie Leckzinska l’esprit de conduite de la reine Marie-Thérèse, tout se faisait petit autour du trône rapetissé ; alors Madame Louise, d’un caractère vraiment royal et qui, par comparaison, semblait héroïque, faisait l’orgueil de la couronne de France, qui n’avait plus que cette seule perle fine au milieu de son clinquant et de ses pierres fausses.
Nous ne disons pas pour cela que Louis XV aimât sa fille. Louis XV, on le sait, n’aimait que lui. Nous affirmons seulement qu’il tenait à elle plus qu’aux autres.
En entrant, il vit la princesse seule au milieu de la galerie, appuyée contre une table en incrustation de jaspe sanguin et de lapis-lazuli.
Elle était vêtue de noir ; ses beaux cheveux sans poudre se cachaient sous la dentelle à double étage ; son front, moins sévère que de coutume, était peut-être plus triste. Elle ne regardait rien autour d’elle ; quelquefois seulement elle promenait ses yeux mélancoliques sur les portraits des rois de l’Europe, à la tête desquels brillaient ses ancêtres les rois de France.
Le costume noir était l’habit ordinaire des princesses ; il cachait les longues poches que l’on portait encore à cette époque comme au temps des reines ménagères, et Madame Louise, à leur exemple, gardait à sa ceinture, attachées à un anneau d’or, les nombreuses clés de ses coffres et de ses armoires.