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— Je me meurs, dit la vieille. Ah ! quelle peur vous m’avez faite, madame !

Et, les joues pâles, les yeux mourants, elle se renversa comme si elle allait s’évanouir.

— Vous permettez, madame ? continua la favorite.

— Faites, madame, dit la vieille d’une voix éteinte.

Madame du Barry ne perdit point de temps ; elle détacha la première épingle des linges qui entouraient sa jambe, puis rapidement déroula la bandelette.

À sa grande surprise, la vieille se laissa faire.

— Elle attend que je sois à la compresse pour jeter les hauts cris ; mais, quand je devrais l’étouffer, je verrai sa jambe, murmura la favorite.

Et elle poursuivit.

Madame de Béarn gémissait, mais ne s’opposait à rien.

La compresse fut détachée et une véritable plaie s’offrit aux yeux de madame du Barry. Ce n’était pas de l’imitation, et là s’arrêtait la diplomatie de madame de Béarn. Livide et sanguinolente, la brûlure parlait éloquemment. Madame de Béarn pouvait avoir vu et reconnu Chon ; mais alors elle s’élevait à la hauteur de Porcie et de Mucius Scévola.

madame du Barry se tut et admira.

La vieille, revenue à elle, jouissait pleinement de sa victoire ; son œil fauve couvait la comtesse agenouillée à ses pieds.

Madame du Barry replaça la compresse avec cette délicate sollicitude des femmes dont la main est si légère aux blessés, rétablit sur le coussin la jambe de la malade, et s’asseyant auprès d’elle :

— Allons, madame, lui dit-elle, vous êtes encore plus forte que je ne le croyais, et je vous demande pardon de ne pas avoir, du premier coup, attaqué la question comme il convenait à une femme de votre valeur. Faites vos conditions.

Les yeux de la vieille étincelaient, mais ce ne fut qu’un éclair qui s’éteignit aussitôt.

— Formulez nettement votre désir, madame, dit-elle, et je verrai en quoi je puis vous être agréable.