Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 2.djvu/108

Cette page n’a pas encore été corrigée

excellentes pour les brûlures, je m’applique un baume composé par moi.

— Peut-on, sans indiscrétion, voir ce spécifique ?

— Dans cette fiole, sur la table.

— Hypocrite ! pensa la comtesse, elle a poussé jusque-là la dissimulation ; elle est décidément très forte, mais voyons la fin.

— Madame, dit tout haut la comtesse, moi aussi j’ai une huile admirable pour ces sortes d’accidents ; mais l’application dépend beaucoup du genre de brûlure.

— Comment cela ?

— Il y a la rougeur simple, l’ampoule et l’écorchure. Je ne suis pas médecin, mais tout le monde s’est brûlé plus ou moins dans sa vie.

— Madame, c’est une écorchure, dit la comtesse.

— Oh ! mon Dieu ! que vous devez souffrir. Voulez-vous que je vous applique mon huile ?

— De grand cœur, madame. Vous l’avez donc apportée ?

— Non ; mais je l’enverrai…

— Merci, mille fois.

— Il convient seulement que je m’assure du degré de gravité.

La vieille se récria.

— Oh ! non, madame, dit-elle, je ne veux pas vous offrir un pareil spectacle.

— Bon, pensa madame du Barry, la voilà prise. Ne craignez point cela, madame, dit-elle, je suis familiarisée avec la vue des blessures.

— Oh ! madame, je connais trop les bienséances.

— Là où il s’agit de secourir notre prochain, oublions les bienséances, madame.

Et brusquement elle étendit la main vers la jambe que la comtesse tenait allongée sur un fauteuil.

La vieille poussa un effroyable cri d’angoisse, quoique madame du Barry l’eût à peine touchée.

— Oh ! bien joué ! murmura la comtesse, qui étudiait chaque crispation sur le visage décomposé de madame de Béarn.