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« Je sautai sur la cafetière à pieds joints.

« Celle-là ne fera plus de chocolat, je vous en réponds.

« — Quel guignon ! continua la vieille de sa voix dolente, ce sera madame d’Aloigny qui présentera madame votre sœur. Que voulez-vous ? c’était écrit ! comme disent les Orientaux.

— Ah ! mon Dieu ! s’écria la comtesse, vous me désespérez, Jean.

— Je ne désespère pas, moi, si vous vous présentez à elle : voilà pourquoi je vous ai fait appeler.

— Et pourquoi ne désespérez-vous pas ?

— Dame ! parce que vous pouvez ce que je ne puis pas, parce que vous êtes une femme, et que vous ferez lever l’appareil devant vous, et que, l’imposture prouvée, vous pourrez dire à madame de Béarn que jamais son fils ne sera qu’un hobereau, que jamais elle ne touchera un sou de l’héritage des Saluces, parce qu’enfin vous jouerez les imprécations de Camille avec beaucoup plus de vraisemblance que je ne jouerais les fureurs d’Oreste.

— Il plaisante, je crois ! s’écria la comtesse.

— Du bout des dents, croyez-moi.

— Où demeure-t-elle, notre sybille ?

— Vous le savez bien : Au Coq chantant, rue Saint-Germain-des-Prés, une grande maison noire, avec un coq énorme peint sur une plaque de tôle. Quand la tôle grince, le coq chante.

— J’aurai une scène affreuse !

— C’est mon avis. Mais mon avis aussi est qu’il faut la risquer ; voulez-vous que je vous escorte ?

— Gardez-vous-en bien, vous gâteriez tout.

— Voilà ce que m’a dit notre procureur, que j’ai consulté à cet endroit ; c’est pour votre gouverne : Battre une personne chez elle, c’est l’amende et la prison. La battre dehors…

— Ce n’est rien, dit la comtesse à Jean, vous savez cela mieux que personne.

Jean grimaça un mauvais sourire.

— Oh ! dit-il, les dettes qui se payent tard amassent des intérêts, et si jamais je retrouve mon homme…

— Ne parlons que de ma femme, vicomte.