des personnages parmi lesquels il venait d’être introduit ; tout intéressait Balsamo, disons-nous : son regard suivit donc le regard de Nicole, et il lui sembla, à cette fenêtre, objet de l’attention de Nicole, voir apparaître un visage d’homme.
— En vérité, pensa-t-il, tout est curieux dans cette maison ; chacun a son mystère, et j’espère ne pas être une heure sans connaître celui de mademoiselle Andrée. Je connais déjà celui du baron, et je devine celui de Nicole.
Il avait eu un moment d’absence, mais si court qu’eût été ce moment, le baron s’en aperçut.
— Vous rêvez aussi, vous, dit-il ; bon ! vous devriez au moins attendre à cette nuit, mon cher hôte. La rêverie est contagieuse, et c’est une maladie qui se gagne ici, à ce qu’il me semble. Comptons les rêveurs. Nous avons d’abord mademoiselle Andrée qui rêve ; puis nous avons encore mademoiselle Nicole qui rêve ; puis enfin je vois rêver à tout moment ce fainéant qui a tué ces perdreaux, qui rêvaient peut-être aussi quand il les a tués…
— Gilbert ? demanda Balsamo.
— Oui ! un philosophe comme M. La Brie. À propos de philosophes, est-ce que vous êtes de leurs amis, par hasard ? Oh ! je vous en préviens alors, vous ne serez pas des miens…
— Non, monsieur, je ne suis ni bien ni mal avec eux ; je n’en connais pas, répondit Balsamo.
— Tant mieux, ventrebleu ! Ce sont de vilains animaux plus venimeux encore qu’ils ne sont laids. Ils perdent la monarchie avec leurs maximes ! On ne rit plus en France, on lit, et que lit-on encore ? Des phrases comme celle-ci : Sous un gouvernement monarchique, il est très difficile que le peuple soit vertueux[1] ; ou bien : La vraie monarchie n’est qu’une constitution imaginée pour corrompre les mœurs des peuples et les asservir[2] ; ou bien encore : Si l’autorité des rois vient de Dieu, c’est comme les maladies et les fléaux du genre humain[3]. Comme tout