Nicole, peu habituée aux compliments du baron, le regardait avec un demi-sourire, où l’étonnement avait plus de part encore que l’orgueil.
— Oui, oui, dit le baron, qui s’aperçut de ce qui se passait dans le cœur de la coquette jeune fille. Fais la roue, je te le conseille. ― Oh ! c’est que je vous dirai, mon cher hôte, que mademoiselle Nicole Legay, ici présente, n’est point une prude comme sa maîtresse et qu’un compliment ne lui fait pas peur.
Les yeux de Balsamo se portèrent vivement sur la fille du baron, et il vit luire le dédain le plus suprême sur le beau visage d’Andrée. Alors il trouva convenable d’harmoniser sa figure avec celle de la fière enfant ; celle-ci le remarqua et lui en sut gré sans doute, car elle le regarda avec moins de dureté, ou plutôt avec moins d’inquiétude qu’elle n’avait fait jusque-là.
— Croiriez-vous, monsieur, continua le baron en passant le dos de sa main sous le menton de Nicole, qu’il paraissait décidé à trouver charmante ce soir-là, croiriez-vous que cette donzelle arrive du couvent comme ma fille et a presque reçu de l’éducation ? Aussi mademoiselle Nicole ne quitte pas sa maîtresse un seul instant. C’est un dévouement qui ferait sourire de joie messieurs les philosophes, qui prétendent que ces espèces-là ont des âmes.
— Monsieur, dit Andrée mécontente, ce n’est point par dévouement que Nicole ne me quitte point, c’est parce que je lui ordonne de ne pas me quitter.
Balsamo leva les yeux sur Nicole pour voir l’effet que feraient sur elle les paroles de sa maîtresse, fières jusqu’à l’insolence, et il vit, à la crispation de ses lèvres, que la jeune fille n’était point insensible aux humiliations qui ressortaient de son état de domesticité.
Cependant, cette expression passa comme un éclair sur le visage de la chambrière ; car, en se détournant pour cacher une larme sans doute, ses yeux se fixèrent sur une fenêtre de la salle à manger qui donnait sur la cour. Tout intéressait Balsamo, qui semblait chercher quelque chose de son côté au milieu