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— Non, monsieur, ici, à un colporteur qui passait : il passe comme cela depuis quelque temps dans la campagne beaucoup de colporteurs avec de bons livres.

— Qui vous a dit que le Contrat social était un bon livre ?

— Je l’ai vu en le lisant, monsieur.

— En avez-vous donc lu de mauvais, que vous puissiez établir cette différence ?

— Oui.

— Et qu’appelez-vous de mauvais livres ?

— Mais le Sofa, Tanzaï et Néadarné, et autres livres de cette espèce.

— Où diable avez-vous trouvé ces livres ?

— Dans la bibliothèque du baron.

— Par quel moyen le baron se procure-t-il ces nouveautés, dans un trou comme celui qu’il habite ?

— On les lui envoie de Paris.

— Comment, s’il est pauvre comme vous le dites, mon ami, le baron met-il son argent à de pareilles fadaises ?

— Il ne les achète pas, on les lui donne.

— Ah ! on les lui donne ?

— Oui, monsieur.

— Qui cela ?

— Un de ses amis, un grand seigneur.

— Un grand seigneur ; savez-vous son nom à ce grand seigneur ?

— Il s’appelle le duc de Richelieu.

— Comment ! le vieux maréchal !

— Oui, le maréchal, c’est cela.

— Et je présume qu’il ne laisse pas traîner de pareils livres devant mademoiselle Andrée.

— Au contraire, monsieur, il les laisse traîner partout.

— Mademoiselle Andrée est-elle de votre avis, que ces livres sont de mauvais livres ? demanda en souriant narquoisement le voyageur.

— Mademoiselle Andrée ne les lit pas, monsieur, répondit sèchement Gilbert.

Le voyageur se tut un instant. Il était évident que cette singulière