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l’objet qui appelait son attention, manquaient de douceur, mais non de charme ; son nez mince et recourbé, sa lèvre fine et ses pommettes saillantes annonçaient l’astuce et la circonspection, tandis que la résolution se révélait en lui par la proéminence vigoureuse d’un menton arrondi.

— Est-ce vous qui avez crié tout à l’heure ? lui demanda-t-il.

— Oui, monsieur, c’est moi, répondit le jeune homme.

— Et pourquoi avez-vous crié ?

— Parce que…

Le jeune homme s’arrêta irrésolu.

— Parce que ? répéta le voyageur.

— Monsieur, dit le jeune homme, il y avait une dame dans le cabriolet ?

— Oui.

Et les yeux de Balsamo se portèrent sur la caisse, comme s’ils eussent voulu percer l’épaisseur des parois.

— Il y avait un cheval attaché aux ressorts de la voiture ?

— Oui, mais où diable est-il ?

— Monsieur, la dame du cabriolet est partie sur le cheval qui était attaché aux ressorts.

Le voyageur ne poussa pas une exclamation, ne prononça point un mot, il bondit vers le cabriolet, tira les rideaux de cuir : un éclair qui incendiait le ciel en ce moment lui montra que le cabriolet était vide ; il proféra un affreux jurement, avec un rugissement pareil au coup de tonnerre qui lui servait d’accompagnement ; puis il regarda autour de lui comme pour chercher quelque moyen de se mettre à sa poursuite ; mais il reconnut bientôt l’insuffisance de ces moyens.

— Essayer de rejoindre Djérid, reprit-il en secouant la tête, avec un de ces chevaux-là, autant vaudrait envoyer la tortue à la poursuite de la gazelle… Mais je saurai toujours où elle est, à moins que…

Il porta vivement et avec anxiété la main à la poche de sa veste, en tira un petit portefeuille et l’ouvrit. Dans une des poches de ce portefeuille était un papier plié, et dans le papier plié une boucle de cheveux noirs.