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contribution de trois mille hommes et de trois mille couronnes par an.

Le chef suprême écrivit cette offre à côté de l’offre précédente.

— Et vous ? dit-il au troisième chef.

— Moi, répondit celui-ci, dont la vigueur et la rude activité se trahissaient sous la robe gênante de l’initié, moi, je représente l’Amérique, dont chaque pierre, chaque arbre, chaque goutte d’eau, chaque goutte de sang appartient à la révolte. Tant que nous aurons de l’or, nous le donnerons ; tant que nous aurons du sang, nous le verserons ; seulement nous ne pouvons agir que lorsque nous serons libres. Divisés, parqués, numérotés comme nous sommes, nous représentons une chaîne gigantesque aux anneaux séparés. Il faudrait qu’une main puissante soudât les deux premiers chaînons, les autres se souderaient bien d’eux-mêmes. C’est donc par nous qu’il faudrait commencer, très vénérable maître. Si vous voulez faire les Français libres de la royauté, faites-nous d’abord libres de la domination étrangère.

— Ainsi sera-t-il fait, répondit le grand Cophte ; vous serez libres les premiers, et la France vous y aidera. Dieu a dit dans toutes les langues : « Aidez-vous les uns les autres. » Attendez donc. Pour vous, frère, au moins, l’attente ne sera pas longue, je vous en réponds.

Puis il se tourna vers le député de la Suisse.

— Moi, dit celui-ci, je ne puis rien promettre que ma contribution personnelle. Les fils de notre république sont depuis longtemps les alliés de la monarchie française ; ils lui vendent leur sang depuis Marignan et Pavie ; ce sont de fidèles débiteurs : ils livreront ce qu’ils ont vendu. Pour la première fois, très vénérable grand maître, j’ai honte de notre loyauté.

— Soit, répondit le grand Cophte, nous vaincrons sans eux et malgré eux. À votre tour, député de l’Espagne.

— Moi, dit celui-ci, je suis pauvre, je n’ai que trois mille frères à donner ; mais ils contribueront chacun pour mille réaux par an. L’Espagne est un pays paresseux, où l’homme sait dormir sur un lit de douleurs, pourvu qu’il dorme.