Le roi regarda de tous côtés et fut quelque temps sans voir le dauphin, dont on n’apercevait que les jambes écartées, le torse étant caché par la pendule et la tête perdue dans l’ouverture.
Il s’approcha souriant et frappa sur l’épaule de son petit-fils.
— Que diable fais-tu là ? lui demanda-t-il.
Louis se retira précipitamment, mais cependant avec toutes les précautions nécessaires pour n’endommager en rien le beau meuble dont il avait entrepris la restauration.
— Mais, sire, Votre Majesté le voit, dit le jeune homme tout rougissant de honte d’avoir été surpris dans cette occupation, je m’amusais en attendant que vous vinssiez.
— Oui, à massacrer ma pendule. Joli amusement !
— Au contraire, sire, je la réparais. La roue principale ne fonctionnait plus, elle était gênée par cette vis que Votre Majesté voit là. J’ai resserré la vis, et elle va maintenant.
— Mais tu t’aveugleras à regarder là-dedans. Je ne fourrerais pas ma tête dans un pareil guêpier pour tout l’or du monde.
— Oh ! que non, sire. Je m’y connais : c’est moi qui démonte, remonte et nettoie ordinairement l’admirable montre que Votre Majesté m’a donnée le jour où j’ai eu quatorze ans.
— Soit ; mais laisse là, momentanément, ta mécanique. Tu veux me parler ?
— Moi, sire ? dit le jeune homme en rougissant.
— Sans doute, puisque tu m’as fait dire que tu m’attendais.
— C’est vrai, sire, répondit le dauphin en baissant les yeux.
— Eh bien ! que me voulais-tu ? Réponds. Si tu n’as rien à me dire, je pars pour Marly.
Et déjà Louis XV cherchait à s’évader, selon sa coutume.
Le dauphin posa son grattoir et son rouage sur un fauteuil, ce qui indiquait qu’il avait effectivement quelque chose d’important à dire au roi, puisqu’il interrompait l’importante besogne qu’il faisait.
— As-tu besoin d’argent ? demanda vivement le roi. Si c’est cela, attends, je vais t’en envoyer.
Et Louis XV fit un pas de plus vers la porte.