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toujours fait son admiration, et se penchait tantôt à droite tantôt à gauche pour examiner tel ou tel rouage dont les dents aiguës, comme de fines aiguilles, mordaient un autre ressort encore plus fin. Puis, ce côté de la pendule examiné, il se reprenait à la regarder en face, et à suivre de l’œil l’échappement de l’aiguille rapide, glissant sur les secondes, pareille à ces mouches des eaux qui courent sur les étangs et les fontaines avec leurs longues pattes, sans même rider le cristal liquide sur lequel elles s’agitent incessamment.

De cette contemplation au souvenir du temps écoulé, il n’y avait pas loin. Le dauphin se rappela qu’il attendait depuis beaucoup de secondes. Il est vrai qu’il en avait déjà laissé écouler un grand nombre avant d’oser faire dire au roi qu’il l’attendait.

Tout à coup l’aiguille sur laquelle le jeune prince avait les yeux fixés s’arrêta.

À l’instant même, comme par enchantement, les rouages de cuivra cessèrent leur rotation pondérée, les axes d’acier se reposèrent dans leurs trous de rubis, et un profond silence se fit dans cette machine où fourmillaient naguère le bruit et le mouvement. Plus de secousses, plus de balancements, plus de frémissements de timbres, plus de courses d’aiguilles et de roues.

La machine était arrêtée, la pendule était morte.

Quelque grain de sable fin comme un atome était-il entré dans la dent d’une roue, ou bien était-ce tout simplement le génie de cette merveilleuse machine qui se reposait, fatigué de son éternelle agitation ?

À la vue de ce trépas subit, de cette apoplexie foudroyante, le dauphin oublia pourquoi il était venu et depuis quel temps il attendait ; il oublia surtout que l’heure n’est point lancée dans l’éternité par les secousses d’un balancier sonore, ou retardée sur la pente des temps par l’arrêt momentané d’un mouvement de métal, mais bien marquée sur l’horloge éternelle, qui a précédé les mondes et qui doit leur survivre, par le doigt éternel et invariable du Tout-Puissant.

Il commença en conséquence par ouvrir la porte de cristal