Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 1.djvu/277

Cette page n’a pas encore été corrigée

— Chère belle, impossible de choisir, vous m’êtes nécessaires tous deux.

— Alors je me retire.

— Vous ?

— Oui, je laisse le champ libre à mes ennemis. Oh ! j’en mourrai de chagrin, mais M. de Choiseul sera satisfait et cela vous consolera.

— Eh bien ! moi je vous jure, comtesse, qu’il ne vous en veut pas le moins du monde, et qu’il vous porte dans son cœur. C’est un galant homme après tout, ajouta le roi, en ayant soin que M. de Sartines entendît bien ces dernières paroles.

— Un galant homme ! vous m’exaspérez, sire. Un galant homme qui fait assassiner les gens !

— Oh ! dit le roi, nous ne savons pas encore.

— Et puis, se hasarda de dire le lieutenant de police, une querelle entre gens d’épée est si piquante, si naturelle !

— Ah ! ah ! répliqua la comtesse ; et vous aussi, monsieur de Sartines.

Le lieutenant comprit la valeur de ce tu quoque, et il recula devant la colère de la comtesse. Il y eut un moment de silence sourd et menaçant.

— Vous voyez, Chon, dit le roi au milieu de cette consternation générale, vous voyez, voilà votre ouvrage.

Chon baissa les yeux avec une tristesse hypocrite.

— Le roi pardonnera, dit-elle, si la douleur de la sœur l’a emporté sur la force d’âme de la sujette.

— Bonne pièce ! murmura le roi… Voyons, comtesse, pas de rancune.

— Oh ! non, sire, je n’en ai pas… Seulement, je vais à Luciennes, et de Luciennes à Boulogne.

— Sur mer ? demanda le roi.

— Oui, sire, je quitte un pays où le ministre fait peur au roi.

— Madame ! dit Louis XV offensé.

— Eh bien ! sire, permettez que, pour ne pas manquer plus longtemps de respect à Votre Majesté, je me retire.