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— Cela est venu qu’on a voulu l’assassiner, voilà tout.

— Ah ! pauvre vicomte ! s’écria Louis XV, qui plaignait fort peu les gens, mais qui savait merveilleusement avoir l’air de les plaindre ; assassiné ! ah ! mais voilà qui est sérieux, dites donc, Sartines.

M. de Sartines, beaucoup moins inquiet que le roi, en apparence, mais beaucoup plus ému en réalité, s’approcha des deux sœurs.

— Est-il possible qu’un pareil malheur soit arrivé, mesdames ? demanda-t-il avec anxiété.

— Malheureusement oui, monsieur, cela est possible, dit Chon toute larmoyante.

— Assassiné !… Et comment cela ?

— Dans un guet-apens.

— Dans un guet-apens !… Ah ! çà, mais Sartines, dit le roi, il me semble que ceci est une affaire de votre ressort.

— Racontez-nous cela, madame, dit M. de Sartines. Mais, je vous en supplie, que votre juste ressentiment n’exagère pas les choses. Nous serons plus sévères étant plus justes, et les faits vus de près et froidement perdent souvent de leur gravité.

— Oh ! l’on ne m’a pas dit, s’écria Chon, j’ai vu la chose, de mes yeux vu.

— Eh bien ! qu’as-tu vu, grande Chon ? demanda le roi.

— J’ai vu qu’un homme s’est jeté sur mon frère, l’a forcé de mettre l’épée à la main et l’a blessé grièvement.

— Cet homme était-il seul ? demanda M. de Sartines.

— Pas du tout, il en avait six autres avec lui.

— Ce pauvre vicomte ! dit le roi, regardant toujours la comtesse pour juger du degré précis de son affliction et régler là-dessus la sienne. Pauvre vicomte ! forcé de se battre !

Il vit dans les yeux de la comtesse qu’elle ne plaisantait nullement.

— Et blessé ! ajouta-t-il d’un ton apitoyé.

— Mais à quel propos est venue cette rixe ? demanda le lieutenant de police, essayant toujours de voir la vérité dans les détours qu’elle faisait pour lui échapper.