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jesté peut le voir, une fontaine de Chine. Les eaux, en lâchant le robinet qui est derrière, font siffler des oiseaux de porcelaine et nager des poissons de verre ; puis les portes de la pagode s’ouvrent pour donner passage à un défilé de mandarins.

— C’est très joli, comtesse.

En ce moment, le petit négrillon passa, vêtu de cette façon fantastique et capricieuse dont on habillait à cette époque les Orosmane et les Othello. IL avait un petit turban à plumes droites planté sur l’oreille, une veste de brocard d’or qui laissait voir ses bras d’ébène, une culotte bouffante de satin blanc broché qui descendait jusqu’au genou, et une ceinture aux vives couleurs qui reliait cette culotte à un gilet brodé ; un poignard étincelant de pierreries était passé à sa ceinture.

— Peste ! s’écria le roi, comme Zamore est magnifique aujourd’hui !

Le nègre s’arrêta complaisamment devant une glace.

— Sire, il a une faveur à demander à Votre Majesté.

— Madame, dit Louis XV souriant avec le plus de grâce possible, Zamore me paraît bien ambitieux.

— Pourquoi cela, sire ?

— Parce que vous lui avez déjà accordé la plus grande faveur qu’il puisse désirer.

— Laquelle ?

— La même qu’à moi.

— Je ne comprends pas, sire.

— Vous l’avez fait votre esclave.

M. de Sartines s’inclina souriant et se mordit les lèvres à la fois.

— Oh ! vous êtes charmant, sire, s’écria la comtesse.

Puis, se penchant à l’oreille du roi :

— La France, je t’adore, lui dit-elle tout bas.

Louis sourit à son tour.

— Eh bien ! demanda-t-il, que désirez-vous pour Zamore ?

— La récompense de ses longs et nombreux services.

— Il a douze ans.

— De ses longs et nombreux services futurs.