Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 1.djvu/236

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Je reste où je suis, allez !

La voiture partit emportant le voyageur sur son marchepied ; cinq minutes après, elle s’arrêtait devant l’hôtel de la poste.

— Vite, vite, vite ! dit Chon, des côtelettes, un poulet, des œufs, une bouteille de vin de Bourgogne, la moindre chose ; nous sommes forcés de repartir à l’instant même.

— Pardon, madame, dit le maître de poste, s’avançant sur le seuil de sa porte ; si vous repartez à l’instant même, ce sera avec vos chevaux.

— Comment ! avec nos chevaux ? dit Jean, sautant lourdement en bas du marchepied.

— Oui, sans doute, avec ceux qui vous ont amenés.

— Non pas, dit le postillon ; ils ont déjà doublé la poste ; voyez en quel état ils sont, ces pauvres animaux.

— Oh ! c’est vrai, dit Chon, et il est impossible qu’ils aillent plus loin.

— Mais qui vous empêche de me donner des chevaux frais ?

— C’est que je n’en ai plus.

— Eh ! vous devez en avoir… Il y a un règlement, que diable !

— Monsieur, le règlement m’oblige d’avoir quinze chevaux dans mes écuries.

— Eh bien ?

— Eh bien ! j’en ai dix-huit.

— C’est plus que je n’en demande, puisqu’il ne m’en faut que trois.

— Sans doute, mais ils sont dehors.

— Tous les dix-huit ?

— Tous les dix-huit.

— Vingt-cinq tonnerres ! sacra le voyageur.

— Vicomte ! vicomte ! dit la jeune femme.

— Oui, oui, Chon, dit le matamore, soyez tranquille, on se modérera. ― Et quand reviendront-elles tes rosses ? continua le vicomte s’adressant au maître de poste.

— Dame ! mon gentilhomme, je n’en sais rien ; cela dépend des postillons ; peut-être dans une heure, peut-être dans deux.