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la selle qu’il portait sur le dos, laquelle annonçait qu’il attendait son maître.

De temps en temps, l’étranger, fatigué, comme nous l’avons dit, d’explorer inutilement la route, s’approchait du cheval et l’examinait en connaisseur, se hasardant à passer une main exercée sur sa croupe charnue, ou à pincer du bout des doigts ses jambes grêles. Puis, lorsqu’il avait évité le coup de pied qu’à chaque tentative de ce genre détachait l’animal impatient, il revenait à son observatoire et interrogeait la route toujours déserte.

Enfin, ne voyant rien venir, il finit par heurter au contrevent.

— Holà ! quelqu’un ! cria-t-il.

— Qui frappe ? demanda une voix d’homme, et le contrevent s’ouvrit.

— Monsieur, dit l’étranger, si votre cheval est à vendre l’acheteur est tout trouvé.

— Vous voyez bien qu’il n’a pas de bouchon de paille à la queue, dit en refermant le contrevent qu’il avait ouvert une manière de paysan.

Cette réponse ne parut point satisfaire l’étranger, car il heurta une seconde fois.

C’était un homme d’une quarantaine d’années, grand et robuste, au teint rouge, à la barbe bleue, à la main noueuse sous une large manchette de dentelles. Il portait un chapeau galonné posé de travers, à la mode des officiers de province qui veulent effaroucher les Parisiens.

Il frappa une troisième fois. Puis, s’impatientant :

— Savez-vous que vous n’êtes point poli, mon cher, dit-il, et que, si vous n’ouvrez pas votre volet, je vais l’enfoncer tout à l’heure.

Le volet se rouvrit à cette menace, et le même visage reparut.

— Mais quand on vous dit que le cheval n’est point à vendre, répondit pour la seconde fois le paysan. Que diable ! cela doit vous suffire !

— Eh ! moi, quand je vous dis que j’ai besoin d’un coureur.

— Si vous avez besoin d’un coureur, allez en prendre un à la poste.