gravissant péniblement une longue côte sur laquelle s’étageaient vingt carrosses dont presque tous les voyageurs étaient descendus.
Gilbert se dégagea des plis de la robe à grandes fleurs, glissa sa tête sous une épaule et s’agenouilla à son tour sur la banquette de devant, cherchant avec des yeux ardents mademoiselle de Taverney au milieu de tous ces pygmées ascendants.
Il crut reconnaître Nicole à son bonnet.
— Voilà, madame, dit le postillon ; que faut-il faire maintenant ?
— Il faut dépasser tout cela.
— Dépasser tout cela, impossible, madame. On ne dépasse pas la dauphine.
— Pourquoi ?
— Parce que c’est défendu. Peste ! dépasser les chevaux du roi ! j’irais aux galères.
— Écoute, mon ami, arrange-toi comme tu pourras, mais il faut que je les dépasse.
— Mais vous n’êtes donc pas de l’escorte ? demanda Gilbert, qui avait pris jusque-là le carrosse de la jeune dame pour une voiture en retard, et qui n’avait vu dans toute cette diligence qu’un désir de reprendre la file.
— Désir de s’instruire est bon, répondit la jeune dame, indiscrétion ne vaut rien.
— Excusez-moi, madame, répondit Gilbert en rougissant.
— Eh bien ! que faisons-nous ? demanda la voyageuse au postillon.
— Dame ! nous marcherons derrière jusqu’à Vitry. Là, si Son Altesse s’arrête, nous demanderons la permission de passer.
— Oui, mais on s’informera qui je suis, et l’on saura !… Non, non, cela ne vaut rien ; cherchons autre chose.
— Madame, dit Gilbert, si j’osais vous donner un avis…
— Donnez, mon ami, donnez, et s’il est bon on le suivra.
— Ce serait de prendre quelque chemin de traverse tournant autour de Vitry, et ainsi l’on se trouverait en avant de madame la dauphine, sans lui avoir manqué de respect.