Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 1.djvu/228

Cette page n’a pas encore été corrigée

— Diable ! elles allaient au grand trot.

— Mais il me semble qu’en allant au galop…

Le postillon la regarda.

— Triples guides ! dit-elle.

— Il fallait donc nous conter cela tout de suite, répondit le postillon, nous serions déjà à un quart de lieue d’ici.

— Voilà un écu de six livres à compte ; réparons le temps perdu.

Le postillon se pencha en arrière, la jeune dame en avant, leurs mains finirent par se joindre, et l’écu passa de celle de la voyageuse dans celle du postillon.

Les chevaux reçurent le contre-coup. La chaise partit, rapide comme le vent.

Pendant le relais, Gilbert était descendu, il avait lavé son visage et ses mains à une fontaine. Son visage et ses mains y avaient fort gagné, puis il avait lissé ses cheveux qui étaient magnifiques.

— En vérité, avait dit en elle-même la jeune femme, il n’est pas trop laid pour un futur médecin.

Et elle avait souri en regardant Gilbert.

Gilbert alors avait rougi comme s’il eut su ce qui faisait sourire sa compagne de route.

Le dialogue terminé avec le postillon, la voyageuse revint à Gilbert, dont les paradoxes, les brusqueries et les sentences l’amusaient fort.

De temps en temps seulement elle s’interrompait au milieu d’un éclat de rire provoqué par quelque réponse sentant le philosophisme à une lieue à la ronde, pour regarder au fond de la route. Alors si son bras avait effleuré le front de Gilbert, si son genou arrondi avait serré le flanc de son compagnon, la belle voyageuse s’amusait à voir la rougeur des joues du futur médecin contraster avec ses yeux baissés.

On fit ainsi une lieue à peu près. Tout à coup la jeune femme poussa un cri de joie, se jetant sur la banquette de devant avec si peu de ménagement, que cette fois elle couvrit Gilbert tout entier de son corps.

Elle venait d’apercevoir les derniers fourgons de l’escorte