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XX

OÙ GILBERT COMMENCE À NE PLUS TANT REGRETTER D’AVOIR PERDU SON ÉCU.


Lorsque Gilbert revint à lui, et ce fut au bout de quelques minutes, il ne se trouva point médiocrement surpris d’être placé pour ainsi dire en travers sur les pieds d’une jeune femme qui le regardait attentivement.

C’était une jeune femme de vingt-quatre à vingt-cinq ans, aux grands yeux gris, au nez retroussé, aux joues brunies par le soleil méridional ; une petite bouche d’un dessin capricieux et délicat donnait à sa physionomie ouverte et joviale un caractère précis de finesse et de circonspection. Elle avait les plus beaux bras du monde, qui se modelaient pour le moment dans des manches de velours violet à boutons d’or. Les plis onduleux d’une jupe de soie grise à grands ramages emplissaient presque toute la voiture. ― Car Gilbert, avec non moins de surprise que pour tout le reste, s’aperçut qu’il était dans une voiture emportée par le galop de trois chevaux de poste.

Comme la physionomie de la dame était souriante et exprimait l’intérêt, Gilbert se mit à la regarder jusqu’à ce qu’il fût bien sûr de ne pas rêver.

— Eh bien ! mon enfant, dit la dame après un instant de silence, vous voilà donc mieux ?

— Où suis-je ? demanda Gilbert, se rappelant à propos cette phrase des romans qu’il avait lus, et qui ne se dit jamais que dans les romans.

— En sûreté maintenant, mon cher petit monsieur, répondit la dame avec un accent méridional des plus prononcés. Mais tout à l’heure, en vérité, vous couriez grand risque d’être