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bondit par-dessus Gilbert. Mais il parvint à arrêter les deux autres, plus sous sa main que le premier. Une femme sortit à moitié de la chaise.

— Oh ! mon Dieu ! s’écria-t-elle avec angoisse, il est donc écrasé, le malheureux enfant ?

— Ma foi ! madame, dit le postillon en essayant de démêler quelque chose à travers la poussière que soulevaient les jambes de ses chevaux, ma foi, ça m’en a bien l’air.

— Pauvre fou ! pauvre enfant ! Pas un pas de plus. Arrêtez ! arrêtez !

Et la voyageuse, ouvrant la portière, se précipita hors de la voiture. Le postillon était déjà en bas de son cheval, occupé à tirer d’entre les roues le corps de Gilbert, qu’il croyait sanglant et mort. La voyageuse aidait le postillon de toutes ses forces.

— Voilà une chance ! s’écria celui-ci, pas une écorchure, pas un coup de pied.

— Mais il est évanoui cependant.

— De peur, sans doute. Rangeons-le sur le fossé, et, puisque madame est pressée, continuons notre route.

— Impossible ! je ne puis abandonner cet enfant dans un pareil état.

— Bah ! il n’a rien. Il reviendra tout seul.

— Non, non. Si jeune, pauvre petit. C’est quelque échappé de collège qui aura voulu entreprendre un voyage au-dessus de ses forces. Voyez comme il est pâle : il mourrait. Non, non, je ne l’abandonnerai pas. Mettez-le dans la berline, sur la banquette de devant.

Le postillon obéit. La dame était déjà remontée en voiture. Gilbert fut déposé transversalement sur un bon coussin, la tête appuyée aux parois rembourrées du carrosse.

— En route, maintenant, continua la jeune dame ; c’est dix minutes perdues : une pistole pour ces dix minutes.

Le postillon fit claquer son fouet au-dessus de sa tête, et les chevaux, qui connaissaient ce signal menaçant, repartirent au grand galop.