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— Je l’avoue, monsieur.

— Eh bien ! pendant l’orage, n’avez-vous rien remarqué ?

— Le tonnerre a brisé, à ma gauche, un arbre qui, en tombant, a failli écraser ma voiture.

— Ce sont des présages, cela, dit d’une voix sombre Balsamo.

— Et des présages funestes ?

— Il serait difficile, ce me semble, de les interpréter autrement.

La dauphine laissa tomber sa tête sur sa poitrine ; puis la relevant après un moment de recueillement et de silence :

— Comment mourra mon mari ?

— Sans tête.

— Comment mourra le comte de Provence ?

— Sans jambes.

— Comment mourra le comte d’Artois ?

— Sans cour.

— Et moi ?

Balsamo secoua la tête.

— Parlez, dit la dauphine ; parlez donc !

— Je n’ai plus rien à dire.

— Mais je veux que vous parliez ! s’écria Marie-Antoinette toute frémissante.

— Par pitié, madame…

— Oh ! parlez !… dit la dauphine.

— Jamais, madame, jamais !

— Parlez, monsieur, reprit Marie-Antoinette avec le ton de la menace, parlez, ou je dirai que tout ceci n’est qu’une comédie ridicule. Et, prenez-y garde, on ne se joue pas ainsi d’une fille de Marie-Thérèse, d’une femme… qui tient dans ses mains la vie de trente millions d’hommes.

Balsamo resta muet.

— Allons, vous n’en savez pas davantage, dit la princesse en haussant les épaules avec mépris ; ou plutôt votre imagination est à bout.

— Je sais tout, vous dis-je, madame, reprit Balsamo, et puisque vous le voulez absolument…