Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 1.djvu/185

Cette page n’a pas encore été corrigée

— Alors ce ne seront pas des fils ?

— Il y aura des fils parmi les enfants que vous aurez.

— J’aurai donc la douleur de les voir mourir ?

— Vous regretterez que l’un soit mort, vous regretterez que l’autre soit vivant.

— Mon époux m’aimera-t-il ?

— Il vous aimera.

— Beaucoup ?

— Trop.

— Mais quels malheurs peuvent m’atteindre, je vous le demande, avec l’amour de mon mari et l’appui de ma famille ?

— L’un et l’autre vous manqueront.

— Il me restera l’amour et l’appui du peuple ?

— L’amour et l’appui du peuple !… C’est l’océan pendant le calme… Avez-vous vu l’océan pendant une tempête, Madame ?…

— En faisant le bien, j’empêcherai la tempête de se lever, ou, si elle se lève, je m’élèverai avec elle.

— Plus la vague est haute, plus l’abîme qu’elle creuse est grand.

— Dieu me restera.

— Dieu ne défend pas les têtes qu’il a condamnées lui-même.

— Que dites-vous là, monsieur, ne serai-je point reine ?

— Au contraire, madame, et plût au ciel que vous ne le fussiez pas !

La jeune femme sourit dédaigneusement.

— Écoutez, madame, reprit Balsamo, et souvenez-vous.

— J’écoute, reprit la dauphine.

— Avez-vous remarqué, continua le prophète, la tapisserie de la première chambre où vous avez couché en entrant en France ?

— Oui, monsieur, répondit la dauphine en frissonnant.

— Que représentait cette tapisserie ?

— Un massacre, celui des Innocents.

— Avouez que les sinistres figures des massacreurs sont restées dans le souvenir de Votre Altesse Royale ?