hausse pas en humiliant un vieillard ; et quand elle peut boire dans le verre d’étain d’un gentilhomme, on ne force pas une dauphine de France à boire dans le verre d’or d’un charlatan.
Balsamo se redressa, frissonnant comme si quelque vipère l’eût mordu.
— Madame, dit-il d’une voix frémissante, je suis prêt à vous faire connaître votre destinée, puisque votre aveuglement vous pousse à la savoir.
Balsamo prononça ces quelques paroles d’un ton si ferme et si menaçant à la fois, que les assistants sentirent un froid glacial courir dans leurs veines.
La jeune archiduchesse pâlit visiblement.
— Gieb ihm kein gehœr, meine Tochter[1], dit en allemand la vieille dame à Marie-Antoinette.
— Lass sie hœren, sie hat wissen gewollen, und so soll sie wissen[2], répondit Balsamo dans la même langue.
Ces mots, prononcés dans un idiome étranger, et que quelques personnes seulement comprirent, donnèrent encore plus de mystère à la situation.
— Allons, dit la dauphine en résistant aux efforts de sa vieille tutrice, allons, qu’il parle. Si je lui disais de se taire maintenant, il croirait que j’ai peur.
Balsamo entendit ces paroles, et un sombre mais furtif sourire se dessina sur ses lèvres.
— C’est bien ce que j’avais dit, murmura-t-il, un courage fanfaron.
— Parlez, dit la dauphine, parlez, monsieur.
— Votre Altesse Royale exige donc toujours que je parle ?
— Je ne reviens jamais sur une décision.
— Alors, à vous seule, madame, dit Balsamo.
— Soit, dit la dauphine. Je le forcerai dans ses derniers retranchements. Éloignez-vous.
Et, sur un signe qui faisait comprendre que l’ordre était général, chacun se retira.