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— Oui, madame, répondit celui-ci.

— C’est là votre grimoire ? Il est innocent du moins ; puissent vos paroles être aussi claires !

Le cardinal sourit.

Le baron s’approcha.

— Madame la dauphine n’aura rien à apprendre de M. de Bièvre, dit-il.

— Oh ! mon cher hôte, dit la dauphine avec gaieté, ne me flattez pas ou flattez-moi mieux. J’ai dit quelque chose d’assez médiocre, ce me semble. Revenons à monsieur.

Et Marie-Antoinette se retourna du côté de Balsamo, vers lequel une puissance irrésistible semblait l’attirer malgré elle, comme on est parfois attiré vers un endroit où nous attend quelque malheur.

— Si vous avez lu l’avenir pour monsieur dans un verre d’eau, ne pourriez-vous le lire pour moi dans une carafe ?

— Parfaitement, madame, dit Balsamo.

— Pourquoi refusiez-vous donc alors tout à l’heure ?

— Parce que l’avenir est incertain, madame, et que si j’y voyais quelque nuage…

Balsamo s’arrêta.

— Eh bien ? demanda la dauphine.

— Eh bien ! j’aurais, comme j’ai déjà eu l’honneur de vous le dire, le regret d’attrister Votre Altesse Royale.

— Vous me connaissiez déjà, ou me voyez-vous pour la première fois ?

— J’ai eu l’honneur de voir Votre Altesse tout enfant dans son pays natal, près de son auguste mère.

— Vous avez vu ma mère ?

— J’ai eu cet honneur ; c’est une auguste et puissante reine.

— Impératrice, monsieur.

— J’ai voulu dire reine par le cœur et par l’esprit, et cependant…

— Des réticences, monsieur, et à l’endroit de ma mère ! dit la dauphine avec dédain.

— Les plus grands cœurs ont leurs faiblesses, madame,