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cardinal seul, car il se montra visiblement embarrassé. Il est vrai de dire que l’œil si doux de la dauphine s’était allumé, en lui parlant, d’un de ces éclairs qui annonçaient chez elle un orage intérieur.

Cependant l’éclair seul parut, rien ne gronda, la dauphine se contint, et reprit :

— Voyons, monsieur de Taverney, pour rendre la fête complète, montrez-nous votre sorcier. Où est-il ? dans quel boîte l’avez-vous mis ?

— Madame, répondit le baron, c’est bien plutôt lui qui me mettrait moi et ma maison dans une boîte.

— Vous piquez ma curiosité, en vérité, dit Marie-Antoinette ; décidément, monsieur, je veux le voir.

Le ton dont avaient été prononcées ces paroles, tout en gardant ce charme que Marie-Antoinette savait donner à ses paroles, n’admettait cependant point de réplique. Le baron, qui était resté debout avec son fils et sa fille pour servir la dauphine, le comprit parfaitement. Il fit un signe à La Brie qui, au lieu de servir, contemplait les illustres convives et semblait se payer, par cette vue, de vingt ans de gages arriérés.

Celui-ci releva la tête.

— Allez prévenir monsieur le baron Joseph Balsamo, dit Taverney, que Son Altesse royale madame la dauphine désire le voir.

La Brie partit.

— Joseph Balsamo ! dit la dauphine ; quel singulier nom est-ce là ?

— Joseph Balsamo ! répéta en rêvant le cardinal ; je connais ce nom, il me semble.

Cinq minutes s’écoulèrent sans que personne eût l’idée de rompre le silence.

Tout à coup Andrée tressaillit : elle entendait, bien avant qu’il ne fût perceptible aux autres oreilles, un pas qui s’avançait sous la feuillée.

Les branches s’écartèrent, et Joseph Balsamo apparut, juste en face de Marie-Antoinette.