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Autour de la jeune princesse se groupa sa cour : officiers tenant leurs chevaux par la bride, courtisans le chapeau à la main, s’appuyant aux bras les uns des autres et chuchotant tout bas.

Philippe de Taverney s’approcha de la dauphine, pâle d’émotion et avec une noblesse mélancolique.

— Madame, dit-il, si Votre Altesse Royale le permet, j’aurai l’honneur de lui présenter monsieur le baron de Taverney-Maison-Rouge, mon père, et mademoiselle Claire-Andrée de Taverney, ma sœur.

Le baron s’inclina profondément et en homme qui sait saluer les reines ; Andrée déploya toute la grâce de la timidité élégante, toute la politesse si flatteuse d’un respect sincère.

Marie-Antoinette regardait les deux jeunes gens et, comme ce que lui avait dit Philippe de la pauvreté de leur père lui revenait à l’esprit, elle devinait leur souffrance.

— Madame, dit le baron d’une voix pleine de dignité, Votre Altesse Royale fait trop d’honneur au château de Taverney ; une si humble demeure n’est pas digne de recevoir tant de noblesse et de beauté.

— Je sais que je suis chez un vieux soldat de France, répondit la dauphine, et ma mère, l’impératrice Marie-Thérèse, qui a beaucoup fait la guerre, m’a dit que dans votre pays les plus riches de gloire sont presque toujours les plus pauvres d’argent.

Et, avec une grâce ineffable, elle tendit sa belle main à Andrée, qui la baisa en s’agenouillant.

Cependant le baron, tout à son idée dominante, s’épouvantait de ce grand nombre de gens qui allaient emplir sa petite maison et manquer de sièges.

La dauphine le tira tout à coup d’embarras.

— Messieurs, dit-elle en se tournant vers les personnes qui composaient son escorte, vous ne devez ni porter la fatigue de mes fantaisies, ni jouir du privilège d’une dauphine. Vous m’attendrez donc ici, je vous prie : dans une demi-heure je reviens. Accompagnez-moi, ma bonne Langershausen, dit-elle en allemand à celle de ses femmes qu’elle avait aidée à descendre