« — Les princes sont les représentants de Dieu sur la terre. Et quelle est la personne qui a eu le bonheur d’être rencontrée la première par Votre Altesse ?
« — M. de Taverney-Maison-Rouge, le jeune lieutenant qui a été vous prévenir de mon arrivée.
« — Nous allons tous être jaloux de M. de Taverney, madame, dit le gouverneur ; mais nous ne troublerons pas le bonheur qui lui est réservé ; il est retenu par sa consigne, mais nous lèverons sa consigne ; il est lié par son engagement, mais nous briserons son engagement ; il partira en même temps que Votre Altesse Royale.
« En effet, le jour même où la voiture de Son Altesse quittait Strasbourg, je reçus l’ordre de monter à cheval et de l’accompagner. Depuis ce moment, je n’ai pas quitté la portière de son carrosse.
— Eh ! eh ! fit le baron avec son même sourire, eh ! eh ! ce serait singulier ; mais ce n’est pas impossible !
— Quoi, mon père ? dit naïvement le jeune homme.
— Oh ! je m’entends, dit le baron, je m’entends, eh ! eh !
— Mais, cher frère, dit Andrée, je ne vois pas encore comment, au milieu de tout cela, madame la dauphine a pu venir à Taverney ?
— Attends ; c’était hier soir, vers onze heures, nous arrivâmes à Nancy, et nous traversâmes la ville aux flambeaux. La dauphine m’appela.
« — Monsieur de Taverney, dit-elle, pressez l’escorte.
« Je fis signe que la dauphine désirait aller plus vite.
« — Je veux partir demain de bon matin, ajouta la dauphine.
« — Votre Altesse désire faire demain une longue étape ? demandai-je.
« — Non, mais je désire m’arrêter en route.
« Quelque chose comme un pressentiment me troubla le cœur à ces mots.
« — En route ? répétai-je.
« — Oui, dit Son Altesse Royale.
« Je me tus.