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— Ma foi, oui.

— Achevez, en ce cas.

— C’est que vous ferez bien d’éloigner votre petite servante, cette petite drôlesse, comme vous dites, qui a de la corne au bout des doigts.

— Et pourquoi cela l’éloignerais-je ?

— Parce que Nicole Legay a dans le visage quelques traits de la personne qui vient ici.

— Et vous dites que c’est une grande dame, une grande dame qui ressemble à Nicole Legay ? vous voyez bien que vous tombez dans la contradiction ?

— Pourquoi pas ? J’ai acheté autrefois une esclave qui ressemblait tellement à la reine Cléopâtre, qu’il était question de la conduire à Rome pour la faire figurer dans le triomphe d’Octave.

— Bon ! voilà que cela vous reprend, dit le baron.

— Ensuite, faites-en ce que vous voudrez, de ce que je vous dis, mon cher hôte ; vous comprenez, la chose ne me regarde aucunement et est toute dans vos intérêts.

— Mais en quoi cette ressemblance de Nicole peut-elle blesser la personne ?

— Supposez que vous soyez roi de France, ce que je ne vous souhaite pas, ou dauphin, ce que je vous souhaite moins encore, seriez-vous charmé en entrant dans une maison de trouver au nombre des domestiques de cette maison une contrefaçon de votre auguste visage ?

— Ah ! diable ! dit le baron, voici un dilemme des plus forts ; il résulterait donc de ce que vous dites…

— Que la très haute et très puissante dame qui va venir serait peut-être mal contente de voir son image vivante en jupe courte et en fichu de toile.

— Eh bien ! dit le baron toujours riant, nous y aviserons quand il le faudra. Mais voyez-vous, cher baron, dans tout cela c’est mon fils qui me réjouit le plus. Ce cher Philippe, qu’un heureux hasard va nous amener comme cela, sans crier gare !

Et le baron se mit à rire plus fort.