maîtres de s’intéresser à ceux de leurs gens qui les servent bien, et je suis contente de toi.
— Mademoiselle est bien bonne.
— Dis donc vite, et achève de me lacer.
Nicole rassembla toutes ses forces et toute sa pénétration.
— Eh bien ! c’est… c’est Gilbert, dit-elle.
Au grand étonnement de Nicole, Andrée ne sourcilla point.
— Gilbert, le petit Gilbert, le fils de ma nourrice ?
— Lui-même, mademoiselle.
— Comment, c’est ce garçon-là que tu veux épouser ?
— Oui, mademoiselle, c’est lui.
— Et il t’aime ?
Nicole se crut arrivée au moment décisif.
— Il me l’a dit vingt fois, répondit-elle.
— Eh bien ! épouse-le, dit tranquillement Andrée ; je n’y vois aucun obstacle. Tu n’as plus de parents, il est orphelin ; vous êtes chacun maîtres de votre sort.
— Sans doute, balbutia Nicole stupéfaite de voir l’événement succéder d’une façon si peu en rapport avec ses prévisions. Quoi ! mademoiselle permet… ?
— Tout à fait ; seulement, vous êtes bien jeunes tous deux.
— Nous aurons un peu plus longtemps à vivre ensemble.
— Vous n’êtes riches ni l’un ni l’autre.
— Nous travaillerons.
— À quoi travaillera-t-il, lui qui n’est bon à rien ?
Pour le coup Nicole n’y tint plus, tant de dissimulation l’avait épuisée.
— Mademoiselle me permettra de lui dire qu’elle traite bien mal ce pauvre Gilbert, répondit-elle.
— Dame ! fit Andrée, je le traite comme il le mérite ; c’est un paresseux.
— Oh ! mademoiselle, il lit toujours, et ne demande qu’à s’instruire.
— Rempli de mauvaise volonté, continua Andrée.
— Pas pour mademoiselle toujours, répliqua Nicole.
— Comment cela ?