donc à toi seule que l’homme doit tout sacrifier. Cette femme est bien belle, ô mon Dieu ! Cet ange est bien pur ! et tu le sais, toi qui crées les anges et les femmes ! Mais, pour moi, que vaut en ce moment la beauté ? que vaut l’innocence ? Un simple renseignement que la beauté et l’innocence seules me peuvent donner. Meure la créature, si belle, si pure, si parfaite qu’elle soit, pourvu que sa bouche parle ! Meurent les délices du monde entier, amour, passion, extase, pourvu que je puisse toujours marcher d’un pas sûr et éclairé ! Et maintenant, jeune fille, maintenant que, par le pouvoir de ma volonté, quelques secondes de sommeil t’ont rendu autant de forces que si tu venais de dormir vingt ans, maintenant réveille-toi, ou plutôt replonge-toi dans ton clairvoyant sommeil. J’ai encore besoin que tu parles ; cette fois, seulement, tu vas parler pour moi.
Et Balsamo, étendant de nouveau les mains vers Andrée, força la jeune fille de se redresser sous un souffle tout-puissant.
Puis, lorsqu’il la vit préparée et soumise, il tira de son portefeuille un papier plié en quatre, dans lequel était renfermée une boucle de cheveux d’un noir chaud comme la résine. Les parfums dont elle était imprégnée avaient rendu le papier diaphane.
Balsamo mit la boucle de cheveux dans la main d’Andrée.
— Voyez, demanda-t-il.
— Oh ! encore ! dit la jeune fille avec angoisse. Oh ! non, non ; laissez-moi tranquille ; je souffre trop. — Oh ! mon Dieu ! mon Dieu ! tout à l’heure je me sentais si bien !
— Voyez ! répondit Balsamo en posant impitoyablement le bout de la verge d’acier sur la poitrine de la jeune fille.
Andrée se tordit les mains ; elle essaya de se soustraire à la tyrannie de l’expérimentateur. L’écume vint à ses lèvres, comme autrefois à celle de la pythie assise sur le trépied sacré.
— Oh ! je vois, je vois ! cria-t-elle avec le désespoir de la volonté vaincue.
— Que voyez-vous ?
— Une femme.