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— Bien ! asseyez-vous là, dit Balsamo.

Il la prit par la même main que Gilbert venait de baiser sans qu’elle s’en aperçut, et ce seul contact lui donna le même tressaillement que nous lui avons déjà vu éprouver quand le fluide souverain lui était venu d’en haut tout à l’heure.

La jeune fille, conduite par Balsamo, fit trois pas à reculons et s’assit dans un fauteuil.

— Maintenant, dit-il, voyez-vous ?

Les yeux d’Andrée se dilatèrent comme si elle eut voulu embrasser tous les rayons lumineux répandus dans la chambre par les lueurs divergentes de deux bougies.

— Je ne vous dis pas de voir avec les yeux, continua Balsamo ; voyez avec la poitrine.

Et tirant de dessous sa veste brodée une baguette d’acier, il en posa l’extrémité sur la poitrine palpitante de la jeune fille.

Celle-ci bondit comme si un dard de flamme eut traversé sa chair et pénétré jusqu’à son cœur ; ses yeux se fermèrent aussitôt.

— Ah ! bien, dit Balsamo, vous commencez à voir, n’est-ce pas ?

Elle fit un signe de tête affirmatif.

— Et vous allez parler, n’est-ce pas ?

— Oui, répondit Andrée.

Mais en même temps elle porta la main à son front avec un geste d’indicible douleur.

— Qu’avez-vous ? demanda Balsamo.

— Oh ! je souffre !

— Pourquoi souffrez-vous ?

— Parce que vous me forcez de voir et de parler.

Balsamo leva deux ou trois fois les mains au-dessus du front d’Andrée et sembla écarter une portion du fluide prêt à le faire éclater.

— Souffrez-vous encore ? demanda-t-il.

— Moins, répondit la jeune fille.

— Bien ; alors regardez où vous êtes.

Les yeux d’Andrée restèrent fermés ; mais sa figure s’assombrit et parut exprimer le plus vif étonnement.