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Il crut voir que Balsamo complimentait Andrée sur son talent, que celle-ci lui répondait avec sa froideur accoutumée ; qu’il insistait avec un sourire, qu’elle suspendait son étude pour répondre et congédier son hôte.

Il admira la grâce avec laquelle celui-ci se retirait. De toute la scène, qu’il avait cru comprendre, il n’avait absolument rien compris, car la réalité de cette scène était le silence.

Gilbert n’avait rien pu entendre, il avait seulement vu remuer des lèvres et s’agiter des bras. Comment, si bon observateur qu’il fût, eût-il reconnu un mystère là où tout se passait naturellement en apparence ?

Balsamo parti, Gilbert demeura non plus en observation, mais en contemplation devant Andrée, si belle dans sa pose nonchalante, puis bientôt il s’aperçut avec étonnement qu’elle dormait. — Il demeura encore quelques minutes dans la même attitude, pour s’assurer bien positivement que cette immobilité était bien du sommeil. ― Puis, lorsqu’il en fut bien convaincu, il se leva tenant sa tête à deux mains, comme un homme qui craint que son cerveau n’éclate sous le flot des pensées qui y affluent ; puis, dans un moment de volonté qui ressemblait à un élan de fureur :

— Oh ! sa main, dit-il ; approcher seulement mes lèvres de sa main. Allons ! Gilbert, allons ! je le veux…

Et cela dit, s’obéissant à lui-même, il s’élança dans l’antichambre et atteignit la porte du salon, qui s’ouvrit sans bruit pour lui comme elle avait fait pour Balsamo.

Mais à peine cette porte fut-elle ouverte, à peine se trouva-t-il en face de la jeune fille sans que rien l’en séparât plus, qu’il comprit l’importance de l’action qu’il allait commettre ; lui, Gilbert, lui, le fils d’un métayer et d’une paysanne, lui, le jeune homme timide, sinon respectueux, qui à peine, du fond de son obscurité, avait osé lever les yeux sur la fière et dédaigneuse jeune fille, il allait toucher de ses lèvres le bas de la robe ou le bout des doigts de cette majesté endormie, qui pouvait en se réveillant le foudroyer de son regard. À cette pensée, tous ces nuages d’enivrement qui avaient égaré son esprit et bouleversé son cerveau se dissipèrent. Il s’arrêta, se retenant