Page:Dumas - Georges, 1848.djvu/98

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Sortons donc.

— Tout à l’heure, quand chacun sera occupé à son repas, personne ne fera attention à nous.

— Tu as raison, frère.

Et les deux nègres se mirent à causer ensemble à voix haute et de choses indifférentes ; mais dès que les tranches furent grillées, dès que les morceaux de filet furent rôtis, profitant de la préoccupation qui préside toujours à la première partie d’un repas assaisonné d’un bon appétit, ils sortirent tous deux à leur tour, sans qu’effectivement, comme l’avait prévu Laïza, le reste de la société parût même remarquer leur disparition.


VIII.

LA TOILETTE DU NÈGRE MARRON.


Il était à peu près dix heures du soir, la nuit sans lune était belle et étoilée comme le sont d’ordinaire les nuits des tropiques vers la fin de l’été : on apercevait au ciel quelques-unes de ces constellations qui nous sont familières depuis notre enfance, sous le nom de la Petite-Ourse, du Baudrier d’Orion et des Pléiades, mais dans une position si différente de celle dans laquelle nous sommes habitués à les voir qu’un Européen aurait eu peine à les reconnaître ; en échange, au milieu d’elles brillait la Croix du sud, invisible dans notre hémisphère boréal. Le silence de la nuit n’était troublé que par le bruit que faisaient en rongeant l’écorce des arbres les nombreux tanrecks dont les quartiers de la rivière Noire sont peuplés, par le chant des figuiers bleus et fondi-jala, ces fauvettes et ces rossignols de Madagascar, et par le cri presque insensible de l’herbe déjà séchée qui pliait sous les pieds des deux frères.