Page:Dumas - Georges, 1848.djvu/9

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nité, car il a Dieu même pour pilote. Passons, car au delà de ces montagnes verdoyantes nous trouverons des terres arides et des déserts brûlés par le soleil. Passons : je vous ai promis de fraîches eaux, de doux ombrages, des fruits sans cesse murissant et des fleurs éternelles.

Salut à l’océan Indien, où nous pousse le vent d’ouest ; salut au théâtre des Mille et une Nuits ; nous approchons du but de notre voyage. Voici Bourbon la mélancolique, rongée par un volcan éternel. Donnons un coup d’œil à ses flammes et un sourire à ses parfums ; puis, filons quelques nœuds encore, et passons entre l’île Plate et le Coin de Mire ; doublons la pointe aux Canonniers ; arrêtons-nous au pavillon. Jetons l’ancre, la rade est bonne : notre brick, fatigué de sa longue traversée demande du repos. D’ailleurs, nous sommes arrivés, car cette terre, c’est la terre fortunée que la nature semble avoir cachée aux confins du monde, comme une mère jalouse cache aux regards profanes la beauté virginale de sa fille ; car cette terre, c’est la terre promise, c’est la perle de l’océan Indien, c’est l’île de France.

Maintenant, chaste fille des mers, sœur jumelle de Bourbon, rivale fortunée de Ceylan, laisse-moi soulever un coin de ton voile pour te montrer à l’étranger ami, au voyageur fraternel qui m’accompagne ; laisse-moi dénouer ta ceinture, oh ! la belle captive ! car nous sommes deux pèlerins de France, et peut-être un jour la France pourra-t-elle te racheter, riche fille de l’Inde, au prix de quelque pauvre royaume d’Europe.

Et vous, qui nous avez suivi des yeux et de la pensée, laissez-moi maintenant vous dire la merveilleuse contrée, avec ses champs toujours fertiles, avec sa double moisson, avec son année faite de printemps et d’étés qui se suivent et se remplacent sans cesse l’un l’autre, enchaînant les fleurs aux fruits, et les fruits aux fleurs. Laissez-moi dire l’île poétique qui baigne ses pieds dans la mer, et qui cache sa tête dans les nuages ; autre Vénus née, comme sa sœur, de l’écume des flots, et qui monte, de son humide berceau à son céleste empire, toute couronnée de jours étincelants et de nuits étoilées, éternelles parures qu’elle tenait de la main du Seigneur lui-même, et que l’Anglais n’a pas encore pu lui dérober.

Venez donc, et si les voyages aériens ne vous effraient