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cours de la Sorbonne ; de trois à cinq heures, il dessinait tantôt dans un atelier, tantôt dans un autre ; enfin le soir, il allait ou au spectacle ou dans le monde, dont son élégante courtoisie, bien plus encore que sa fortune, lui ouvrait toutes les portes.

Aussi Georges se lia-t-il avec tout ce que Paris avait de mieux en artistes, en savants et en grands seigneurs ; aussi Georges, également familier avec les arts, la science et la fashion, fut-il bientôt cité comme un des esprits les plus intelligents, comme un des penseurs les plus logiques, et comme un des cavaliers les plus distingués de la capitale. Georges avait donc à peu près atteint son but.

Cependant, il lui restait une dernière épreuve à faire : certain d’être maître des autres, il ignorait encore s’il était maître de lui-même ; or, Georges n’était pas homme à conserver un doute sur quelque chose que ce fût : il résolut de s’éclairer sur son propre compte.

Georges avait souvent craint de devenir joueur.

Un jour il sortit les poches pleines d’or, et s’achemina vers Frascati. Georges s’était dit : Je jouerai trois fois, à chaque fois je jouerai trois heures, et pendant ces trois heures je risquerai dix mille francs : puis, passé ces trois fois, que j’aie perdu ou gagné je ne jouerai plus.

Le premier jour, Georges perdit ses dix mille francs en moins d’une heure et demie. Il n’en resta pas moins ses trois heures à regarder jouer les autres, et quoiqu’il eût dans un portefeuille et en billets de banque les vingt mille francs qu’il était décidé à hasarder dans les deux essais qui lui restaient à faire, il ne jeta pas sur le tapis un louis de plus qu’il ne s’était proposé.

Le second jour Georges gagna d’abord vingt-cinq mille francs ; puis, comme il s’était imposé à lui-même de jouer trois heures, il continua de jouer, et reperdit tout son gain plus deux mille francs de son argent ; en ce moment, il s’aperçut qu’il jouait depuis trois heures et cessa avec la même ponctualité que la veille.

Le troisième jour Georges commença par perdre ; mais sur son dernier billet de banque la fortune changea, et la chance lui redevint favorable ; il lui restait trois quarts