Page:Dumas - Georges, 1848.djvu/42

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

embarrassé lui-même pour fixer la satisfaction qu’il désirait obtenir. — Vous pouvez faire fouetter le misérable qui a frappé mon Henri.

— Me faire fouetter, moi ! dit Jacques en ramassant son fusil à deux coups, et en redevenant d’enfant homme ; eh bien ! venez donc vous y frotter un peu, vous, monsieur de Malmédie !

— Taisez-vous, Jacques ; tais-toi, mon enfant, s’écria Pierre Munier.

— Pardon, mon père, dit Jacques, mais j’ai raison, et je ne me tairai pas. Monsieur Henri est venu donner un coup de sabre à mon frère, qui ne lui faisait rien ; et moi j’ai donné un coup de poing à monsieur Henri ; monsieur Henri a donc tort, et c’est donc moi qui ai raison.

— Un coup de sabre à mon fils ! un coup de sabre à mon Georges ! Georges, mon enfant chéri ! s’écria Pierre Munier en s’élançant vers son fils. Est-ce vrai que tu es blessé ?

— Ce n’est rien, mon père, dit Georges.

— Comment ! ce n’est rien, s’écria Pierre Munier ; mais tu as le front ouvert. Monsieur, reprit-il en se retournant vers monsieur de Malmédie, mais, voyez, Jacques disait vrai : votre fils a failli tuer le mien.

Monsieur de Malmédie se retourna vers Henri, et comme il n’y avait pas moyen de résister à l’évidence :

— Voyons, Henri, dit le chef de bataillon, comment la chose est-elle arrivée ?

— Papa, dit Henri, ce n’est pas ma faute, j’ai voulu avoir le drapeau pour te l’apporter, et ce vilain n’a pas voulu me le donner.

— Et pourquoi n’as-tu pas voulu donner ce drapeau à mon fils, petit drôle ? demanda monsieur de Malmédie.

— Parce que ce drapeau n’est ni à votre fils, ni à vous, ni à personne ; parce que ce drapeau est à mon père.

— Après ? demanda monsieur de Malmédie, continuant d’interroger Henri.

— Après, voyant qu’il ne voulait pas me le donner, j’ai essayé de le prendre. C’est alors que ce grand brutal est venu qui m’a donné un coup de poing dans la figure.

— Ainsi, voilà comment la scène s’est passée ?

— Oui, mon père.