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faisant suivre les boulets de la mitraille, et la mitraille des boulets avec une telle rapidité, que le désordre commença à se mettre dans les rangs ennemis. En même temps, et comme les Anglais étaient arrivés à portée de mousquet, la fusillade commença à pétiller à son tour, si bien que, voyant ses rangs éclaircis par les balles et des files entières emportées par les boulets, l’ennemi, étonné de cette résistance aussi énergique qu’inattendue, plia et fit un pas en arrière.

Sur l’ordre du capitaine général, la troupe de ligne et le bataillon national, qui s’étaient réunis sur le point menacé, sortirent alors l’une à gauche l’autre à droite, et, la baïonnette en avant, s’avancèrent au pas de charge sur les flancs de l’ennemi, tandis que la formidable batterie continuait de le foudroyer en tête : la troupe exécuta sa manœuvre avec la précision qui lui était habituelle, tomba sur les Anglais, fit sa trouée dans leurs rangs, et redoubla le désordre. Mais, soit qu’il fût emporté par sa valeur, soit qu’il exécutât maladroitement le mouvement ordonné, le bataillon national, commandé par monsieur de Malmédie, au lieu de tomber sur le flanc gauche et d’opérer une attaque parallèle à celle qu’exécutait la troupe de ligne, fit une fausse manœuvre, et vint heurter les Anglais de front. Dès lors, force fut à la batterie de cesser son feu, et comme c’était ce feu surtout qui intimidait l’ennemi, l’ennemi n’ayant plus affaire qu’à un nombre d’hommes inférieurs à lui, reprit courage, et revint sur les nationaux qui, il faut le dire à leur gloire, soutinrent le choc sans reculer d’un seul pas. Cependant cette résistance ne pouvait durer de leur part placés entre un ennemi mieux discipliné qu’eux, et qui lui était dix fois supérieur en nombre et la batterie qu’ils forçaient à se taire pour ne pas les écraser eux-mêmes, ils perdaient à chaque instant un si grand nombre d’hommes, qu’ils commençaient aussi à perdre du terrain : bientôt, par une manœuvre habile, la gauche des Anglais déborda à la droite du bataillon des nationaux, alors sur le point d’être enveloppés, et qui, trop inexpérimentés pour opposer le carré au nombre, furent regardés dès lors comme perdus. En effet, les Anglais continuaient leur mouvement progressif, et pareils à une marée qui monte, ils allaient envelopper de leurs flots cette île d’hommes, lorsque tout à coup les cris