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Alors une voix retentit, dominant toute cette horrible mêlée :

— Brassez bâbord devant, hissez les focs, carguez la grande voile et la brigantine, ralingue derrière, la barre tout à tribord !

Toutes ces manœuvres, ordonnées avec cette voix puissante qui commande l’obéissance passive, furent exécutées avec une si merveilleuse rapidité que, quelle que fût l’impétuosité avec laquelle les Anglais se ruaient à la poursuite des pirates, ils ne purent arriver à temps pour lier les deux bâtiments l’un à l’autre. La corvette, comme si elle eût été douée du sentiment, sembla comprendre le danger qu’elle courait, et se dégagea par un vigoureux effort, tandis que la frégate, privée de son mât d’artimon, continuait d’avancer lentement sous l’influence des voiles du grand mât et du mât de misaine.

Alors du pont de la Calypso on vit se passer quelque chose d’affreux.

La chaleur du combat avait empêché qu’on ne s’aperçût à temps que le feu était à bord de la frégate ; de sorte qu’au moment où le cri : Au feu ! s’était fait entendre, l’incendie avait déjà fait de trop grands progrès pour qu’on espérât de l’éteindre.

Ce fut en ce moment que l’on put admirer la puissance de la discipline anglaise ; au milieu de la fumée devenue de moment en moment plus épaisse, le gouverneur remontait sur le banc de bâbord, et, reprenant son porte-voix, qu’il avait gardé pendu au poignet gauche :

— Du calme, enfants ! cria-t-il, et je réponds de tout.

Chacun s’arrêta.

— Les canots à la mer ! continua le gouverneur.

En cinq minutes le canot de poupe, les deux canots de côté et un des canots de la drôme furent descendus et flottèrent autour de la frégate.

— Le canot de la poupe et le canot de la drôme pour les soldats de marine, cria le gouverneur ; les deux canots de côté pour les matelots. »

Puis, comme la Calypso s’éloignait toujours, elle n’enten-