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Chaque physionomie exprimait un sentiment en harmonie avec son caractère ; Jacques l’insouciance, Georges l’orgueil, Pierre Munier l’inquiétude paternelle, Sara le dévouement.

Tout à coup une légère nappe de fumée apparut au flanc de la frégate, et l’étendard de la Grande-Bretagne monta majestueusement dans les airs.

Le combat était inévitable, la corvette ne pouvait plus revenir au vent, la supériorité de la marche était évidente, Jacques ordonna d’abaisser les bonnettes, pour ne pas conserver de voiles inutiles à la manœuvre ; puis, se retournant vers Sara :

— Allons, petite sœur, dit-il, vous voyez que tout le monde est à son poste, je crois qu’il est temps que vous descendiez au vôtre.

— Ô mon Dieu ! s’écria la jeune fille, ce combat est donc inévitable ?

— Dans un quart d’heure, dit Jacques, la conversation va commencer, et comme selon toute probabilité, elle ne manquera pas de chaleur, il est nécessaire que ceux qui ne doivent pas s’en mêler se retirent.

— Sara, dit Georges, n’oubliez pas ce que vous m’avez promis.

— Oui, oui, dit la jeune fille, oui, me voilà prête à obéir. — Vous voyez, Georges, je suis raisonnable. — Mais vous, de votre côté…

— Sara, vous ne me demanderez pas, je l’espère, de rester spectateur de ce qui va se passer, quand c’est pour moi seul que tant de braves exposent leur existence.

— Oh ! non, dit Sara ; non, je vous demande seulement de penser à moi, et de vous rappeler que, si vous êtes mort, je serai morte.

Puis elle offrit la main à Jacques, tendit son front à Pierre Munier, et, conduite par Georges, descendit par l’escalier de l’arrière.

Un quart d’heure après, Georges remonta ; il tenait un sabre d’abordage à la main et avait une paire de pistolets à sa ceinture.

Pierre Munier était armé de sa carabine damasquinée, vieille amie qui lui avait toujours rendu de fidèles services.