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— Au nord du Coin de Mire, répondit le second.

— Parfaitement ; vous sentez-vous de force à faire passer la corvette entre le Coin de Mire et l’île Plate sans accrocher ni à droite ni à gauche ?

— J’y passerais les yeux bandés, capitaine.

— À merveille ; en ce cas, prévenez vos hommes de se tenir prêts à la manœuvre, attendu que nous n’avons pas de temps à perdre.

Chaque homme courut à son poste, et il se fit un moment de silence d’attente.

Puis, au milieu de ce silence, une voix se fit entendre.

— Virez de bord, dit Jacques.

— Parez, virez, répéta Tête-de-Fer.

Puis le sifflet du maître de manœuvre se fit entendre.

Il y eut de la part de la corvette un instant d’hésitation pareil à celui d’un cheval lancé au galop et qu’on arrête court ; puis elle tourna lentement, s’inclinant sous l’influence d’une brise fraîche et battue par de larges lames.

— La barre dessous, cria Jacques.

Le timonier obéit, et la corvette, se rapprochant du lit du vent, commença à se redresser.

— Levez les lofs, continua Jacques ; chargez derrière !

Ces deux manœuvres s’exécutèrent avec la même rapidité et le même bonheur que les précédentes ; la corvette compléta son abattée, ses voiles de derrière commencèrent à s’enfler ; celles de devant furent rapidement changées à leur tour, et le gracieux navire s’élança vers le nouveau point de l’horizon qui lui était indiqué.

— Maître Tête-de-Fer, dit Jacques après avoir suivi tous les mouvements de la corvette avec la même satisfaction qu’un cavalier suit les mouvements de son cheval, vous allez doubler l’île, profiter de chaque variation de la brise pour vous rapprocher de l’origine du vent, et longer, en faisant bon bras, toute la ceinture de rochers qui s’étend depuis la passe Descornes jusqu’à la crique de Flac.

— C’est bien, capitaine, répondit le second.

— Et maintenant bonsoir, maître, reprit Jacques ; vous m’éveillerez quand la lune se lèvera.

Et Jacques, à son tour, alla se coucher avec cette bienheu-