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Mais jusqu’à quelle heure avait-il veillé pour arriver à ce résultat ? nul ne le sait.

On apporta le bain.

En ce moment le docteur entra.

— Vous le voyez, docteur, dit-il, je me règle sur l’antiquité : les Athéniens prenaient un bain au moment de marcher au combat.

— Comment vous trouvez-vous ? lui demanda celui-ci, lui adressant une de ces questions banales qu’on adresse aux gens lorsqu’on ne sait que leur dire.

— Mais, très bien, docteur, répondit Georges en souriant, et je commence à croire que je ne mourrai pas de ma blessure.

Alors il prit son testament tout cacheté et le lui remit.

— Docteur, ajouta-t-il, je vous ai nommé mon exécuteur testamentaire ; vous trouverez sur ce chiffon de papier trois lignes qui vous concernent, j’ai voulu vous laisser un souvenir de moi.

Le docteur essuya une larme et balbutia quelques mots de remerciement.

Georges se mit au bain.

— Docteur, dit-il au bout d’un instant, combien, dans l’état normal, le pouls d’un homme calme et bien portant bat-il de fois à la minute ?

— Mais, répondit le docteur, de soixante-quatre à soixante-six fois.

— Tâtez le mien, dit Georges, je suis curieux de savoir l’effet que l’approche de la mort produit sur mon sang.

Le docteur tira sa montre, prit le poignet de Georges, et compta les pulsations.

— Soixante-huit, dit-il au bout d’une minute.

— Allons, allons, dit Georges, je suis assez satisfait ; et vous, docteur ?

— C’est miraculeux ! répondit celui-ci ; vous êtes donc de fer ?

Georges sourit orgueilleusement.

— Ah ! messieurs les blancs, dit-il, vous avez hâte de me voir mourir ; je le conçois, ajouta-t-il ; peut-être aviez-vous besoin d’une leçon de courage : je vous la donnerai.