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Un nègre d’une haute taille et de proportions herculéennes fut introduit : il était nu, à l’exception de son langouti, qui était d’étoffe rouge ; ses gros yeux sans expression dénotaient l’absence de toute intelligence. Il se retourna vers le directeur, qui l’avait introduit, et regardant alternativement le prêtre et Georges :

— Auquel des deux ai-je affaire ? demanda-t-il.

— Au jeune homme, répondit le directeur, et il sortit.

— Vous êtes l’exécuteur ? fit froidement Georges.

— Oui, répondit le nègre.

— C’est bien. Venez ici, mon ami, et répondez-moi.

Le nègre fit deux pas en avant.

— Vous savez que vous m’exécuterez demain ? dit Georges.

— Oui, répondit le nègre, à sept heures du matin.

— Ah ! ah ! c’est à sept heures du matin ; merci du renseignement. J’avais demandé des informations là-dessus, et l’on avait refusé de m’en donner. Mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit.

Le prêtre se sentait défaillir.

— Je n’ai jamais vu d’exécution, dit Georges ; or, comme je désire que les choses se passent convenablement, je vous ai envoyé chercher pour que nous fassions ensemble ce que l’on appelle en termes de théâtre une répétition.

Le nègre ne comprenait pas, Georges fut forcé de lui expliquer plus clairement ce qu’il désirait.

Alors le nègre figura le billot par un tabouret, conduisit Georges à la distance du billot où il devait se mettre à genoux, lui indiqua la façon dont il fallait qu’il y plaçât la tête et lui promit de la lui trancher d’un seul coup.

Le vieillard voulut se lever pour sortir ; il n’avait pas la force de supporter cette étrange épreuve, dans laquelle les deux acteurs principaux conservaient une égale impassibilité, l’un par abrutissement d’esprit, l’autre par force de cœur. Mais les jambes lui manquèrent, et il retomba sur son fauteuil.

Les renseignements mortuaires donnés et reçus, Georges tira de son doigt un diamant.

— Mon ami, dit-il au nègre, comme je n’ai pas d’argent